Organismes génétiquement modifiés, ou OGM : un terme souvent entendu, parfois redouté, rarement bien compris. Utilisés dans l’agriculture, la médecine, et même la recherche scientifique, les OGM soulèvent à la fois des espoirs et des questions. Dans cet article, nous vous proposons un tour d’horizon clair et sans parti pris, pour mieux comprendre ce qu’ils sont, d’où ils viennent, comment ils sont utilisés, et ce que la science dit de leurs effets sur l’environnement et la santé.

C’est quoi un OGM ?

Un organisme génétiquement modifié (OGM) est un être vivant (plante, animal, microbe) dont le matériel génétique a été modifié de manière non naturelle par des techniques de génie génétique. Cela signifie que l’on a introduit, retiré ou modifié un ou plusieurs gènes pour lui donner des caractéristiques particulières.

Exemples :

  • Une plante résistante à un herbicide (comme le soja Roundup Ready)
  • Une variété de maïs produisant un insecticide naturel (maïs Bt)
  • Une tomate conçue pour mieux résister au transport ou à la conservation
Gouttes d’eau sur plante verte avec icônes symbolisant génétique, écologie et biotechnologie
Tomates rouges et vertes examinées en laboratoire, symbole des débuts des OGM agricoles

Origine et histoire des OGM

Les premières expériences de modification génétique datent des années 1970, mais c’est dans les années 1990 que les OGM font leur entrée dans l’agriculture commerciale.

En 1994, la tomate Flavr Savr devient le premier aliment OGM vendu aux États-Unis. Depuis, les cultures OGM (maïs, coton, soja, colza) se sont répandues dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis, au Brésil, en Inde et en Argentine.

Les OGM sont aussi utilisés en laboratoire pour produire de l’insuline, des vaccins, des enzymes ou encore pour étudier certaines maladies génétiques.

Quels sont les impacts des OGM sur l’écologie et la santé

Impacts écologiques : entre efficacité et risques

Selon les données de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) et diverses études publiées, les OGM ont permis dans certains cas :

  • une réduction de l’usage d’insecticides,
  • un meilleur rendement agricole,
  • une diminution des pertes dues aux maladies ou ravageurs.

D’ailleurs, la FAO reconnaît que les biotechnologies, dont les OGM, peuvent contribuer à la sécurité alimentaire et au développement durable si elles sont utilisées de manière responsable, avec une évaluation rigoureuse des risques et dans le respect des besoins des pays en développement.

Source : Agricultural Biotechnologies: Déclaration de la FAO sur les biotechnologies.

Mais des risques écologiques sont aussi documentés :

  • apparition de « super mauvaises herbes » résistantes aux herbicides,
  • diminution de la biodiversité locale,
  • pollution génétique (croisements avec des plantes sauvages),
  • dépendance des agriculteurs à certaines semences protégées par brevet.
Champ de maïs cultivé intensivement, symbole des enjeux agricoles liés aux OGM

Impacts sur la santé : ce que dit la science

De nombreuses études ont été menées pour évaluer la toxicité potentielle ou les effets à long terme des OGM. Les principales agences sanitaires (OMS, EFSA, Santé Canada) concluent que les OGM actuellement autorisés sont sans danger pour la santé humaine, à condition qu’ils aient passé les évaluations réglementaires.

Chercheurs analysant des plantes en laboratoire pour évaluer la sécurité des OGM

Un exemple fondateur est celui de la première tomate génétiquement modifiée évaluée au Canada, la Flavr Savr, dont l’innocuité a été examinée par Santé Canada à la fin des années 1990. L’évaluation a porté sur la composition nutritionnelle, la toxicité potentielle, les allergènes, et la stabilité génétique, concluant que la tomate ne présentait aucun risque pour la santé humaine comparativement aux tomates conventionnelles.

Source : Santé Canada.

De même, selon le ministère français de la Transition écologique, aucun effet sanitaire adverse n’a été scientifiquement établi à ce jour pour les OGM autorisés, mais une vigilance constante est maintenue, notamment concernant les effets indirects liés à leur utilisation agricole (comme les résidus d’herbicides).

Source : Ministère Français de la Transition écologique).

Toutefois, certains chercheurs indépendants appellent à plus d’études sur le long terme et à une vigilance accrue, notamment en ce qui concerne les effets des herbicides associés (comme le glyphosate). Il reste donc un débat ouvert, bien que la majorité scientifique s’accorde sur leur innocuité en l’état actuel des connaissances.

Réglementation dans le monde

La réglementation varie considérablement d’un pays à l’autre :

  • Union européenne : très stricte. Étiquetage obligatoire, très peu de cultures autorisées (principalement un type de maïs).
  • États-Unis : beaucoup plus souple. Les OGM sont largement cultivés, sans étiquetage obligatoire jusqu’à récemment.
  • Canada : autorisés après évaluation scientifique. L’étiquetage n’est pas obligatoire.
  • Brésil, Inde, Argentine : grands producteurs d’OGM pour l’agriculture d’exportation.
  • Afrique : adoption très variable selon les pays, souvent freinée par des considérations socio-économiques et politiques.
  • Japon : importateur d’OGM, mais très peu de cultures domestiques autorisées.

Des voix divergentes : controverses et limites

Bien que de nombreuses agences sanitaires valident l’innocuité des OGM actuellement sur le marché, certains chercheurs soulignent des limites importantes à ces évaluations.

  • Une étude controversée menée en 2012 par le chercheur français Gilles-Éric Séralini, publiée puis rétractée dans Food and Chemical Toxicology, suggérait un lien entre la consommation prolongée de maïs OGM NK603 et l’apparition de tumeurs chez les rats. Bien que critiquée sur la méthodologie, cette étude a relancé le débat sur les effets à long terme des OGM.
  • Des chercheurs appellent à plus d’études indépendantes sur plusieurs générations, car beaucoup des évaluations actuelles sont financées ou encadrées par les entreprises productrices elles-mêmes.

Environnement : un équilibre menacé

L’un des cas les plus controversés concerne l’usage du glyphosate, un herbicide utilisé massivement avec certaines cultures OGM (comme le soja ou le maïs « Roundup Ready »).

Selon le volume 112 des monographies du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) publié en 2015, le glyphosate a été classé comme « probablement cancérogène pour l’homme » (groupe 2A), sur la base de preuves limitées de cancérogénicité chez l’homme et de preuves suffisantes chez l’animal.

Ce classement a suscité de vives controverses scientifiques et juridiques, en particulier aux États-Unis où de nombreuses procédures ont été engagées.

Bien que d’autres agences comme l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) et Santé Canada ne confirment pas ce risque aux doses autorisées, le débat reste ouvert et illustre la complexité de l’évaluation des impacts indirects des OGM.

Source : IARC | PDF.

Tracteur agricole pulvérisant un champ, illustrant l’usage d’herbicides liés aux OGM

Même si les OGM permettent parfois de réduire les traitements phytosanitaires, leur usage intensif a aussi des effets secondaires documentés :

  • L’utilisation répétée d’herbicides sur des cultures OGM résistantes (comme le glyphosate) a entraîné l’apparition de mauvaises herbes résistantes, obligeant à utiliser davantage de produits chimiques ou des herbicides plus puissants.
  • La culture à grande échelle de quelques variétés OGM favorise une érosion de la diversité génétique, ce qui peut rendre les systèmes agricoles plus vulnérables aux maladies et au changement climatique.
  • Il existe un risque de pollution génétique, lorsque les gènes modifiés se transmettent à des plantes sauvages par croisement, modifiant les écosystèmes de manière imprévisible.

Ces éléments ne signifient pas que tous les OGM sont dangereux, mais qu’une gestion prudente, transparente et équilibrée est indispensable pour éviter des effets à long terme non anticipés.

Statistiques et preuves scientifiques

🌍 Adoption mondiale

17 M
d’agriculteurs dans 29 pays.

En 2019, plus de 17 millions d’exploitants agricoles cultivaient des plantes génétiquement modifiées.

Ces cultures sont particulièrement répandues aux États-Unis, au Brésil, en Inde, en Argentine et au Canada, où elles contribuent à des rendements agricoles plus élevés et à une réduction de l’usage d’intrants chimiques.

Source : Pinoy Biotek Magazine – Vol.1 NO. 1 August 2023

🐛 Moins de pesticides

−37 %
de pesticides en moyenne dans le monde.

Une méta-analyse publiée en 2014 dans PLOS ONE portant sur 147 études montre que l’adoption des cultures OGM a permis une baisse moyenne de 37 % de l’utilisation de pesticides, notamment grâce aux plantes résistantes aux insectes comme le maïs Bt.

Source : A Meta-Analysis of the Impacts of Genetically Modified Crops | PLOS One

✅ Sécurité sanitaire

50+ ans
de recherche scientifique sans risque avéré.

Selon l’OMS, les OGM commercialisés ont été rigoureusement évalués et ne présentent aucun risque sanitaire connu.

Un rapport de 2016 de la National Academies of Sciences aux États-Unis confirme l’absence de preuve de danger pour la santé humaine, tout en recommandant une surveillance continue des impacts environnementaux et sociaux.

Source : National Academies – Genetically Engineered Crops: Experiences and Prospects- New Report

🤔 Perception publique

48 %
des citoyens pensent que les OGM sont dangereux.

La perception publique reste contrastée. Une enquête menée dans 20 pays par le Pew Research Center en 2020 révèle qu’en médiane, 48 % des personnes interrogées jugent les OGM dangereux à consommer, contre seulement 13 % qui les considèrent comme sûrs.

Ce décalage souligne le contraste persistant entre les connaissances scientifiques et l’opinion publique.

Source : Pew Research Center – On genetically modified foods, widespread skepticism in 20 publics | Pew Research Center

Chercheurs en laboratoire discutant autour d’un échantillon, symbole des avancées en biotechnologie

Les OGM aujourd’hui et demain

Quelles utilisations aujourd’hui ?

Les OGM sont présents dans :

  • l’agriculture (maïs, soja, coton, colza, papaye, etc.),
  • la médecine (insuline, hormones, vaccins à ARN),
  • la recherche (modèles animaux, thérapie génique),
  • l’industrie (enzymes alimentaires, détergents, biocarburants).

Certains projets de « nouvelle génération » visent à créer des plantes capables de mieux résister aux sécheresses ou aux sols pauvres, ou encore des arbres qui absorbent plus de CO₂. Des avancées sont aussi en cours avec les nouvelles techniques de modification ciblée comme CRISPR-Cas9.

Quel avenir pour les OGM ?

Le futur des OGM pourrait se jouer sur plusieurs fronts :

  • l’innovation (OGM de seconde génération, CRISPR, agriculture de précision),
  • la transparence (traçabilité, étiquetage clair),
  • l’acceptabilité sociale (éthique, souveraineté alimentaire),
  • la régulation mondiale (normes communes, brevetabilité).

Conclusion

Une chose est sûre : la biotechnologie est appelée à jouer un rôle croissant dans les défis alimentaires et climatiques de demain. Le débat ne doit pas opposer mais éclairer, pour permettre à chacun de faire des choix informés.